Bygmalion : Sarkozy condamné à de la prison ferme

Reconnu coupable de financement illégal de campagne électorale, l’ex-chef de l’État devra purger sa peine à domicile, sous surveillance électronique. En tout, quatorze prévenus ainsi que la société Event ont été condamnés pour une longue série de délits allant de l’escroquerie à l’abus de confiance.

La salle du tribunal correctionnel de Paris était comble, jeudi, pour le jugement de l’affaire dite Bygmalion, mais Nicolas Sarkozy n’a pas fait le déplacement, après avoir déjà séché les débats au printemps. La plupart des prévenus étaient présents, sauf Bastien Millot. La présidente de la XIe chambre correctionnelle, Caroline Viguier, a entamé une explication détaillée du jugement de ce qui est en fait l’affaire des comptes truqués de la campagne à l’américaine de Nicolas Sarkozy en 2012.

En substance, le tribunal correctionnel a estimé que les quatorze prévenus – anciens cadres de l’UMP, anciens dirigeants de la campagne Sarkozy de 2012, anciens patrons de Bygmalion, et le président-candidat lui-même – ont agi de concert.

Le système de fausses factures et les dépenses omises du compte de campagne aboutissent à un dépassement des dépenses d’un montant de 20,2 millions d’euros, a estimé le tribunal. Toutes les dépenses postérieures au 31 mars 2012, une fois le montant légal dépassé, sont considérées comme délictueuses.

Les quatorze prévenus ainsi que la société Event (une filiale du groupe Bygmalion) ont été déclarés coupables d’une longue série de délits allant de l’escroquerie à l’abus de confiance.

Au vu de l’importance des sommes en jeu, d’une fraude « réfléchie et concertée » au bénéfice d’un président de la République en campagne, et de la confiance altérée des citoyens en leurs élus, le tribunal a annoncé des peines de prison mixtes. La partie ferme sera exécutée sous forme de détention à domicile sous surveillance électronique, annonce la présidente.

Nicolas Sarkozy a écopé d’un an de prison ferme. Son avocat Thierry Herzog a annoncé quelques minutes plus tard qu’il fera appel de cette condamnation cuisante, qui s’ajoute à celle de l’affaire Bismuth – trois ans de prison, dont un ferme pour corruption et trafic d’influence –, prononcée le 1er mars.

Pour le tribunal, « il n’était pas nécessaire que Nicolas Sarkozy donne son accord exprès et préalable pour chaque dépense ou encore que des factures ou un budget prévisionnel lui soient soumis, dans la mesure où les dépenses exposées avaient été décidées ou approuvées par lui et qu’il en avait manifestement tiré parti ».

Sur le plan intentionnel, les juges ont cherché à déterminer si l’ancien président avait la conscience et la volonté de commettre l’infraction. Nicolas Sarkozy, rappelle-t-il, « connaissait le montant du plafond légal des dépenses de campagne et savait que l’enjeu était d’éviter un dépassement de ce plafond. Il ne s’agissait pas de sa première campagne électorale. Son expérience de candidat et sa connaissance de la règle de droit lui avaient même permis de prévenir expressément son entourage ».

D’autre part, explique le tribunal, « il a été averti, par écrit, d’une part, du risque de dépassement et, d’autre part, du dépassement effectif du plafond légal, par deux notes rédigées par l’un des associés du cabinet d’expertise-comptable Akelys. […] Ainsi, alors même que le plafond des dépenses électorales tel que fixé par la loi était dépassé, Nicolas Sarkozy a poursuivi l’organisation des meetings, dans les mêmes conditions que précédemment, permis la réalisation de prestations nouvelles, engagé les dépenses correspondantes et volontairement omis, en sa qualité de candidat, d’exercer un quelconque contrôle sur les dépenses qu’il avait, par ailleurs, l’obligation, non seulement de déclarer dans le compte de campagne, mais de certifier comme étant exactes ».

Côté Bygmalion, Bastien Millot a été condamné à trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction de gérer. Guy Alvès et Franck Attal à deux ans de prison dont un an avec sursis, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction de gérer. Enfin, Sébastien Borivent a été condamné à deux ans de prison avec sursis, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction de gérer avec sursis.

Côté UMP, Jérôme Lavrilleux a écopé de trois ans de prison dont un an avec sursis, et trois ans d’inéligibilité. Éric Cesari, Fabienne Liadzé et Pierre Chassat ont été condamnés à des peines de trois ans de prison en partie assorties d’un sursis, et à cinq ans d’inéligibilité. L’ancien directeur de campagne, le préfet Guillaume Lambert, a écopé de trois ans et six mois de prison dont deux ans avec sursis.

Philippe Briand a été condamné à deux ans de prison dont un an avec sursis, et trois ans d’inéligibilité avec sursis. Philippe Blanchetier, lui, a écopé de trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis, 60 000 euros d’amende, et l’interdiction d’exercer le métier d’avocat pendant deux ans.

Enfin, les experts-comptables Pierre Godet et Marc Leblanc ont été condamnés à trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis, 60 000 euros d’amende, et l’interdiction d’exercer pendant deux ans.

Le tribunal a noté que le parti Les Républicains (LR), partie civile, qui demandait 16 millions d’euros de dommages et intérêts, a effectivement subi un préjudice, mais que sa responsabilité est engagée, le contrôle des dépenses en 2012 au sein de l’UMP ayant été largement défaillant. LR n’a obtenu que 81 000 euros de dommages et intérêts.

Les visages des prévenus et des avocats étaient fermés. La salle s’est vidée lentement.

Le 17 juin, après cinq semaines de débats, les représentants du parquet de Paris avaient fustigé le comportement de Nicolas Sarkozy et de ses équipes en 2012. « Dans cette campagne, l’important, ce n’était pas de respecter le plafond de dépenses, c’était de gagner les élections. L’argent ne compte pas, c’est l’UMP qui paye », avait attaqué la procureure Vanessa Perrée.

Malgré la loi faite pour faire respecter l’égalité des candidats, « aucun plafond de dépenses n’est fixé, on ajoute des meetings, on fait appel à une deuxième agence de communication, sans feuille de route ni cahier des charges. Le directeur de campagne est inexpérimenté, il y a une dispersion des responsabilités, aucun circuit clair pour les devis, des engagements de dépenses erratiques… », avait énuméré la magistrate. « C’est Nicolas Sarkozy qui a souhaité accélérer le rythme de la campagne. »

Une peine d’un an de prison, dont six mois avec sursis, avait alors été requise contre Nicolas Sarkozy. Le tribunal a finalement été plus sévère.

Srouce : https://www.mediapart.fr/journal/france/300921/bygmalion-nicolas-sarkozy-condamne-de-la-prison-ferme


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